Décryptage : Le gouvernement victime de lui-même

Quelle débandade !

Est-il en passe de devenir le plus mal aimé des vaccins ? Voici AstraZeneca sous le feu des critiques concernant ses supposés effets secondaires. À cette heure, en plus des quatre pays européens et un pays d’Asie qui ont décidé d’interrompre toute utilisation du vaccin b, sept autres à travers le monde l’ont tout simplement retiré des lots. Partout, AstraZeneca, développé par un laboratoire britannique, traîne derrière lui son lot d’inquiétudes et de critiques. Selon la newsletter éditée par le quotidien français Libération du 13 mars 2021, trois membres du personnel de santé ont récemment été admis à l’hôpital universitaire d’Oslo pour des caillots sanguins, après s’être vus administrer le vaccin AstraZeneca. Un décès est également survenu à la suite d’une hémorragie cérébrale. Au milieu de tout ceci, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a quant à elle déclaré le 12 mars dernier qu’il n’y avait «pas de raison de ne pas utiliser» le vaccin AstraZeneca et qu’aucun lien de cause à effet sur la formation de caillots sanguins n’avait pour l’instant été trouvé.

Au Cameroun, vu le niveau de méfiance des populations face à la vaccination, les autorités disent attendre «un peu». Au sein de l’opinion publique locale, on a vite fait de comparer l’adoption, à la va-vite, du vaccin AstraZeneca à «la roulette russe». Un tel parallèle avec un jeu de hasard meurtrier souligne une crise systémique de la confiance où la méfiance alimente la méfiance, la reproduit, et la densifie en boucle. La méfiance de la société réveille celle des décideurs qui en retour renforce le doute des opinions. Dans ce contexte, un écosystème médiatique, où la confusion des contenus ne facilite pas les conditions d’appropriation d’un débat serein, a fini par être activé. Voilà qui constitue la ligne de force du présent dossier.

 

L’exécutif rattrapé par ses propres turpitudes, valide une certaine analyse.

Manaouda Malachie, le Minsanté

« Au moment où les effets secondaires du vaccin AstraZeneca continuent d’alimenter les débats, je tiens à préciser que j’ai saisi le Conseil Scientifique et le NITAG, pour avis. Il reste attendu que nous n’allons pas utiliser ce vaccin tant qu’il subsiste des doutes sur ses effets». Il y a une erreur dans ce tweet de Manaouda Malachie. Le ministre de la Santé publique (Minsanté) y annonce qu’il a «saisi le Conseil Scientifique et le NITAG pour avis» sur les effets secondaires du vaccin AstraZeneca. Il faut lire en fait: le gouvernement n’est plus sûr de l’efficacité du vaccin britannique. L’annonce est d’autant plus choquante que son fabricant projetait déjà de gras bénéfices au Cameroun, pays de près de 25 millions d’habitants. Selon nos informations, le laboratoire AstraZeneca est à la recherche d’une nouvelle donne, pour pulvériser ses concurrents grâce au souffle de nouveaux arguments sur l’efficacité assurée de son produit. D’où la mousse médiatique qui, ces derniers temps, place sur le devant de la scène des émetteurs apolitiques, notamment scientifiques.

Dans les allées du pouvoir, l’on assure avoir pris la décision de suspendre le vaccin AstraZeneca en toute indépendance. «C’est là où l’arbrisseau cache la forêt», coupe rapidement Belinga Zambo. À en croire le politologue, «le gouvernement s’est engagé trop vite d’un côté, trop lentement de l’autre». Pour bien comprendre, il n’y a qu’à lire le tweet du Minsanté du 11 mars 2021: «ce vaccin est actuellement utilisé dans bien des pays aussi bien occidentaux qu’africains, sans soucis majeurs». «Maintenant que, , les soupçons sur la nocivité du AstraZeneca sont manifestes, documentés, étayés, l’exécutif veut faire figure de timonier solide dans l’embarras de choix; du coup, son attelage fait semblant de tirer dans le sens de l’intérêt des populations», critique aussitôt Belinga Zambo.

Sur la même veine, Thadée Ebode, épidémiologiste, estime que le gouvernement se donne juste une période intermédiaire avant la validation ou non d’un autre produit anti-Covid-19. «Sans augurer sur la bonne ou la mauvaise foi du pouvoir, il reste que la question de la procédure à appliquer se pose tout naturellement pour clamer, sur la place publique, son amour ou son désamour pour le vaccin AstraZeneca», émet l’homme de science.

Jean-René Meva’a Amougou

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